Article du critique syrien Ahmad Al-Arabi
Yassine Loghmari est un écrivain tunisien prometteur et talentueux. J’ai lu son roman “Le Temps de la Fatigue Chronique” et en ai écrit une critique.
Son œuvre “L’Horloger, forgeron du temps” s’exprime à travers la voix d’un narrateur anonyme, que nous appellerons ici “notre ami”, personnage central de l’histoire. Le récit débute de manière abrupte, avec notre ami dans un hôpital psychiatrique, où il tente de retrouver le fil de sa vie.
Originaire d’une ville tunisienne (sousse), notre ami vient d’une famille dysfonctionnelle, marquée par la perte de ses parents. Isolé de ses liens familiaux, il était un élève brillant, mais à l’université, il a été victime d’injustices administratives qui ont entravé son parcours. Lorsqu’il est entré dans la vie professionnelle, il a également rencontré des discriminations et des comportements négatifs, exacerbés par un climat de jalousie et de favoritisme.
Accumuler tant d’injustices a engendré en lui un profond désespoir et des pensées suicidaires. Il décide alors de consulter un psychiatre, mais cette expérience se révèle désastreuse. Ni le médecin ni sa secrétaire ne parviennent à établir un lien empathique avec lui; au contraire, ils le traitent comme un simple objet à exploiter. Les traitements prescrits ne font qu’aggraver son état, l’entraînant dans une spirale de dépendance.
Les choses s’aggravent lorsque le médecin divulgue son suivi psychiatrique à ses collègues, le désignant comme “fou”. La société tunisienne a encore du mal à accepter la maladie mentale comme une réalité qui mérite compassion et traitement, ce qui ne fait qu’envenimer son état. Désespéré, il décide de partir en France pour obtenir l’aide dont il a besoin.
Dans la clinique de Nice, il découvre divers patients souffrant de troubles psychologiques pour des raisons variées. C’est là qu’il rencontre l’Horloger, un homme plus âgé de 40 ans, qui l’aide à redécouvrir sa place dans la vie et à aspirer à un avenir meilleur. L’Horloger, sage et conscient des réalités de la vie, lui enseigne à se libérer de son passé, en particulier des traumatismes de son enfance.
Cet ami devient pour lui le soutien affectif dont il avait tant besoin, comblant un vide laissé par l’absence d’amitiés significatives. Le personnel médical, plus humain et empathique, l’accompagne dans l’exploration de ses souffrances passées, utilisant des méthodes psychologiques telles que l’hypnose pour l’aider à libérer ses émotions refoulées.
Il évoque les abus subis durant son enfance, notamment la violence de son père alcoolique envers sa mère, et le sentiment d’impuissance qui l’a marqué. Grâce à ce soutien, il parvient à renouer avec une dimension positive de lui-même et commence à envisager la vie sous un jour nouveau.
Finalement, l’Horloger sort de la clinique, menant une vie épanouie, tandis que notre ami reste en contact avec lui, prêt à l’accompagner dans une existence plus sereine et enrichissante.
La narration se conclut sur une réflexion sur l’amitié comme véritable élixir de vie, soulignant que le lien créé avec l’Horloger a été salvateur pour notre ami, qui a trouvé en lui un ami loyal, un soutien inestimable.
En commentaire sur le roman, je ne peux que saluer la profondeur d’analyse et la maturité avec laquelle Yassine Loghmari aborde les complexités de l’âme humaine. L’œuvre réussit à dépeindre la réalité du déclin social en Tunisie, mettant en lumière des dynamiques familiales destructrices et les préjugés entourant les maladies mentales.
Yassine Loghmari ne s’attarde pas sur le contexte politique actuel, mais fait subtilement référence à des événements marquants, suggérant que les défis contemporains demeurent. La force du récit réside dans sa capacité à faire entendre la voix de ceux qui souffrent, tout en rappelant que la responsabilité de cette souffrance incombe en partie à la société elle-même.
Ce roman est un puissant plaidoyer pour la dignité humaine et la nécessité d’un changement sociétal, invitant à réfléchir sur les droits et la reconnaissance de chacun, qu’il soit enfant ou adulte, homme ou femme.