RIVIERE DE L’OUM RBIA : UNE CATASTROPHE ECOLOGIQUE MENAÇANT LA VILLE D’AZEMMOUR

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Mina ElAzhar

L’Oum Rbiâ, l’une des plus grandes rivières du Maroc est frappée depuis plus d’une trentaine d’années par un drame écologique sans précédent.
Ce drame prend une ampleur ascendante suite à la non-action de restauration qui s’impose depuis assez longtemps.

D’abord, cette rivière prend son origine depuis plusieurs sources du Moyen Atlas sur un parcours de près de 600 km pour atteindre l’embouchure au niveau de l’océan atlantique près de la ville d’Azemmour.

Cette ville historique avec ses remparts portugais, son ancienne médina, son quartier juif « Mellah », a été liée économiquement et socialement, depuis des siècles à cette rivière à travers l’activité de pêche et le tourisme. Sa population considère l’estuaire de l’Oum Rbiâ comme son petit coin de paradis, et représentait un espace de loisirs pour les petits et grands et une source d’inspirations pour les artistes-peintres.

Malheureusement, malgré le classement de cet estuaire en tant que « Site d’Intérêt Biologique et Ecologique », la dégradation de son environnement ne cesse d’avancer cruellement, pour anéantir toute forme de vie aquatique. On cite à titre d’exemple la disparition de l’alose, un poisson qui faisait une spécialité culinaire « Azemmouri » par excellence.

Plusieurs facteurs cumulés sont à l’origine de cette désolation. D’abord, il faut noter que les ressources en eau de la rivière de l’Oum Rbiâ sont complètement régularisées en amont moyennant la construction de plusieurs grands barrages.

Ces derniers contribuent fortement à l’essor économique du pays par la satisfaction des besoins en eau potable et industrielle de plusieurs agglomérations (Casablanca, Marrakech, El Jadida…), l’irrigation des périmètres Doukkala, Tadla. Les barrages ont également permis d’affronter les années de fortes sécheresses de façon réussie et contribuer à la mitigation des effets négatifs des changements climatiques.

Certes, cette importance est indiscutable et personne ne peut mettre en cause la politique des barrages menée depuis les années soixante, cependant il faut noter que l’aval, en l’occurrence l’estuaire, n’a jamais bénéficié, à l’exception de quelques crues exceptionnelles en 2010, du débit environnemental en vue de préserver la qualité de l’eau et réduire la pollution induite par le rejet sauvage des eaux usées sans aucun traitement préalable.

Face à ce constat amer, la société civile n’a cessé de lancer des alertes pour prendre au sérieux cette problématique. Elle dénonce l’absence d’action de la part notamment de
i. La RADEEJ (Régie Autonome de distribution d’eau et d’électricité) qui ne tient pas ses promesses en ce qui concerne la réalisation de la station d’épuration, tant attendue par la population

ii. Le Conseil Régional et l’Agence de Bassin Hydraulique de l’Oum Rbiâ qui n’intègrent pas l’estuaire dans leurs plans de développement, pourtant il constitue une niche de création de richesse et d’absorption de chômage au sein des riverains ;
iii. Les élus qui ne prennent aucune initiative pour identifier les opportunités et les projets de développement.

Actuellement, vu la faiblesse ou l’absence des écoulements provenant de l’amont, l’estuaire est quasi-envasé et devenu complètement fermé constituant une zone d’eau stagnante d’eau usées. Ce coin de petit paradis est transformé, en source de nuisance pour la population, impuissante face à cette tragédie écologique. La mauvaise odeur des eaux usées commence à être ressentie sur un rayon de 1 km touchant ainsi le plein centre de la ville d’Azemmour.

Par ailleurs, le dragage des sables de l’estuaire, opéré par une société privé depuis près de 15 ans, a eu des conséquences encore néfastes sur le milieu naturel, et son impact négatif s’est étalé sur 15 km et pourrait faire disparaître les belles plages existantes.
Pour la population d’Azemmour, cette situation est extrêmement regrettable, et met en jeu l’avenir de la ville qui n’a aucune autre issue de bien-être ou de développement socio-économique productif.

La restauration de l’estuaire de l’Oum Rbiâ s’impose donc si on veut assurer un cadre de vie décent, profiter de la beauté du paysage (forêt, rivière, mer, micro-climat), préserver la biodiversité et la santé de la population.

Ceci est toujours possible en déployant l’intelligence collective et la consolidation des efforts à l’instar des estuaires de Bouregreg et Sebou.
La Société Civile a proposé à plusieurs occasions la vision de développement qui devrait nécessairement être prise en charge par les organismes compétents, à savoir :

1. Le ministère de l’Equipement : implémentation d’un projet de restauration de l’estuaire permettant un écoulement pérenne entre la rivière et la mer, et arrêt des autorisations de dragage sauvage des sables ;
2. La RADEEJ : responsable de la réalisation d’une station d’épuration des eaux usées en partenariat avec le Ministère chargé de l’Environnement, le Conseil régional, l’Agence de Bassin Hydraulique de l’Oum Rbiâ ;
3. Les conseils des communes jouxtant l’estuaire qui doivent fédérer leurs efforts loin des petits calculs politiques ;
4. …

La ville d’Azemmour et les communes limitrophes de l’estuaire abritent plus de 80 000 habitants. Cette population est évidement appelée à augmenter. Par conséquent, pour lui permettre un cadre de vie sain et un développement socio-économique capable de répondre aux besoins divers, il est temps d’agir en déployant l’intelligence collective et un partenariat efficient à même de concrétiser la mise à niveau de l’estuaire en tant que levier pour accompagner un rayonnement de la région.

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