La fragilité des valeurs et la faiblesse de l’immunité de la foi : Lorsque la religion est réduite à un divertissement et transformée en marchandise…

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* Dr. ABDELLAH CHANFAR

 

 

Comment la chimie de la religion est-elle devenue une marchandise sur le marché du divertissement, et comment la communauté a-t-elle échangé sa défaite civilisationnelle contre de fausses victoires sur les plateformes de réseaux sociaux ? Depuis quand la foi est-elle mesurée en nombre de “likes”, de réactions et de partage de futilités ? Depuis quand est-ce que nous glorifions et exultons de joie chaque fois qu’un chanteur, un footballeur ou un non-musulman se convertit à l’islam, comme si nous remportions un match symbolique ?
À une époque où les algorithmes des plateformes contrôlent tout et où la religion est capturée sur le marché du divertissement, la communauté échange son sentiment de défaite contre quelques vidéos qui dominent les “trending topics”, et des échos électroniques de cris de joie et de louanges pour des victoires fictives. Mais derrière ce bruit, se cache une blessure profonde : la fragilité des valeurs, la faiblesse de l’immunité de la foi, et une tromperie collective par un système qui recrée notre soumission tout en nous faisant croire que nous triomphons… !
Comment la religion, qui est venue pour libérer les gens, est-elle devenue un simple divertissement consommé dans un temps de domination ? Et pourquoi nous imaginons-nous forts chaque fois qu’une chanteuse entonne des versets, alors que les véritables fondements de l’action civilisationnelle s’effondrent à l’intérieur de nous ?
* De la religion en tant que message à la religion en tant que spectacle : La fabrication d’une religion ostentatoire :
À l’ère de la mondialisation culturelle et des systèmes d’assujettissement symbolique, la religion n’est plus un projet de libération et de construction de soi, mais une marchandise de consommation, reproduite sur un marché mondial, où l’islam est réduit à un extrait vidéo et la foi est testée par l’interaction des plateformes avec une scène éphémère.
Lorsque les gens ont vu la chanteuse américaine Jennifer Grout réciter le verset du trône (Ayat al-Kursi), les espaces virtuels ont été remplis d’appels à la victoire, de louanges et de cris de joie, comme si l’islam, qui s’est effondré culturellement, était soudainement restauré dans une scène de récitation produite par l’autre et distribuée par les algorithmes des plateformes. Ainsi, le musulman mesure désormais le triomphe de sa religion par l’ampleur du bruit électronique, et non par la grandeur d’un projet civilisationnel construit par la sueur des penseurs, la lutte des éducateurs et l’œuvre des réformateurs.
* La fragilité des valeurs : Quand la conscience collective est vaincue par la machine de domination :
Ce que nous observons n’est pas une fascination passagère, mais le résultat d’un long parcours de vidage de la religion de son contenu libérateur, pour en faire une marchandise culturelle, commercialisée dans l’économie de l’attention mondiale. Le système de domination a infiltré la sphère religieuse, transformant l’islam, un instrument de libération des peuples, en un spectacle à consommer. Et lorsqu’un occidental se convertit à l’islam, l’incident devient un produit viral, investi de sentiments de supériorité illusoire, qui anesthésient la profonde sensation de défaite civilisationnelle.
Ainsi, une religiosité populaire est reproduite, vide de son essence, prisonnière des symboles et des images visuelles, ne produisant ni force sociale, ni projet libérateur.
* La fausse supériorité : Un mécanisme de défense qui masque un sentiment de défaite :
Le plus dangereux dans ces phénomènes n’est pas leur superficialité, mais le fait qu’ils révèlent le niveau de fragilité des valeurs et la faiblesse de l’immunité intellectuelle au sein de nos sociétés. Le système de domination, avec les outils des médias, de la culture et de la technologie, a réussi à introduire un modèle de religiosité qui ne produit pas d’action, mais qui est exploité pour enrayer la soumission à un divertissement et à une admiration éphémère.
Celui qui glorifie et exulte aujourd’hui pour la conversion d’un tel ou tel, ou pour un phénomène sans importance, est le même qui ignore les crises structurelles qui secouent sa nation : la corruption, la soumission des élites, l’effritement de l’éducation, de la santé, des structures sociales, économiques et infrastructurelles, et la dégradation du discours religieux, qui devient un outil de provocation et d’incitation, et non de construction.
Lorsque le verset « Vous êtes la meilleure communauté » devient un slogan de vanité au lieu d’un appel à assumer la responsabilité du témoignage, cela révèle un mécanisme psychologique défensif qui compense un sentiment enfoui de défaite et de manque. La fausse supériorité sur l’autre et l’interprétation des épidémies comme un châtiment pour les nations ne sont que des expressions de la perte de confiance en soi.
Le véritable acte civilisationnel a été remplacé par une hostilité gratuite envers l’autre, au profit de ceux qui reproduisent des peuples plongés dans la réaction instinctive, loin de l’action rationnelle.
* L’immunité de la foi entre consommation symbolique et construction de soi :
Lorsque l’islam est réduit à des images et à des scènes commercialisées, il devient un capital symbolique fragile, incapable de résister aux vents de la mondialisation qui remodelent les esprits. L’immunité de la foi ne se construit pas à partir de clips de récitation ou de moments de stupéfaction, mais à partir d’un projet éducatif complet, qui redonne sa place à la raison, renouvelle la connexion avec les valeurs, et aiguise l’esprit avec l’énergie de la libération et de l’action.
Relier la force de la foi au destin d’une chanteuse ou d’un joueur de football, c’est faire tomber la nation dans l’illusion du marketing, où la religion devient une publicité et non une force motrice de l’histoire.
* La domination culturelle comme délimitatrice des frontières de la religiosité :
Ces phénomènes ne peuvent être compris qu’en contexte avec le système de domination culturelle, qui redessine les frontières de la religiosité populaire selon une logique de consommation et non de construction. Les plateformes qui commercialisent et amplifient ces extraits ne sont pas innocentes ; elles agissent selon une logique capitaliste qui considère la religion comme une marchandise rentable, à condition qu’elle soit vidée de son potentiel libérateur.
Ainsi, l’islam ostentatoire est reproduit au lieu de l’islam résistant, et il est exploité dans la futilité de la religiosité plutôt que d’être plongé dans la profondeur de ses objectifs libérateurs.
* Quel islam voulons-nous à l’ère de la domination ?
Nous nous trouvons à un carrefour : soit nous continuons à consommer des scènes religieuses comme des divertissements, et vivons dans des illusions de victoires symboliques, soit nous redécouvrons l’islam comme un projet de construction de soi et de la société.
Nous voulons un islam qui retrouve son message civilisationnel et produise un nouveau modèle : un modèle d’action juste, de pensée profonde, et de beauté qui transforme la vie, et non qui émerveille simplement l’instant.
Nous voulons chercher les penseurs et les savants qui ont refusé le jeu du marketing religieux, et qui ont insisté pour construire un discours libérateur, rendant au musulman sa dignité en tant qu’acteur dans l’histoire, et non comme spectateur de scènes soigneusement programmées.
Resterons-nous prisonniers du système de simplification qui exploite notre fragilité ? Combien de temps allons-nous payer le prix de notre faible immunité, à une époque où les batailles pour la domination des esprits sont de plus en plus fortes ? Et avons-nous le courage de redéfinir la religion, non pas comme une marchandise, mais comme un projet global de libération, qui brise les chaînes de la domination et réorganise les valeurs en faveur de l’homme, et non du marché ?

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