Samir Chaouki
C’est un pavé dans la marre que vient de lancer la chaîne Al-Jazeera en relevant ce qui pourrait être un scandale d’envergure impliquant le président de la France avec un réseau russo-libyen.
Dans son émission d’investigation phare « Ce qui est caché est encore pire », la chaîne d’informations Al-Jazeera a remonté de bout en bout la présence russe en Libye depuis 2016. Nous sommes en pleine batailles autour de Tripoli entre les fractions rivales pro-Serraj d’un côté et pro-Haftar d’un autre. Le premier soutenu par le Qatar et la Turquie, le second est poussé par les Émirats et l’Égypte. Les batailles avançaient avec un avantage pour Faiz Serraj, président du gouvernement de Tripoli, non reconnu par le clan de Khalifa Haftar. Mais un incident allait changer la donne. Les services secrets de Tripoli arrêtent le russe Maxim Shugali, pour intelligence et espionnage, ce que réfute Moscou arguant qu’il s’agit d’un activiste d’une ONG en défense de droits humains. Shugalli est condamné à deux années de prison qu’il purgeait dans la prison Al-Hudaida, mais n’est jamais abandonné par Moscou. Les tractations entre les deux pays, pour une éventuelle libération du russe, échouent ce qui pousse Poutine à passer à la vitesse supérieure. La Russie entre en action à côté de Haftar ce qui penche la balance en faveur de ce dernier qui n’est plus qu’à quelques kilomètres de Tripoli. La Turquie intervient de son côté pour défendre son allié Serraj et repousse les forces de Haftar. On n’en était pas loin d’une confrontation directe entre la Russie et la Turquie. Les deux puissances décident alors de temporiser et de décréter un statut quo à condition que le pouvoir en place à Tripoli libère Shugali. Ce qui fut fait. Mais dans les coulisses chacun continuait à tisser sa toile.
Macron ou Sarkozy bis ?
Dans cette ambiance, Moscou renoue avec Saif Al Islam Kaddhafi pour le mettre à la tête de la Libye puisque son allié Haftar ne requiert pas d’enthousiasme auprès des puissances occidentales. Son agent Shugali est la cheville ouvrière de ces tractations avec le fils de Mouaamar Kadhafi. Ce dernier réconforte les russes en leur communicant une information de taille. Il serait prêt à « payer le prix fort » pour s’accaparer « l’enthousiasme » des puissances récalcitrantes à sa prise de pouvoir en Libye. Nous sommes au début de 2017, à cinq mois des élections françaises. Selon Al-Jazeera, Saif Al Islam informe l’agent russe Shugali qu’il peut rapporter à Poutine qu’il détient des documents et preuves qu’il a soutenu financièrement plusieurs dirigeants occidentaux dont un certain Emmanuel Macron ! comment cela est-il possible ? Kadhafi Junior raconte sa version des faits renvoyant vers une toile franco-libyenne. En effet, Sarkozy, encore lui, serait l’intermédiaire politique entre Kadhafi Junior et Macron pour financer la campagne présidentielle de ce dernier. Quant à la transaction financière, elle serait exécutée grâce à un intermédiaire algérien, sans le citer nommément. Les faits racontés en détail par Al-Jazeera, sur la base des thèses de Kadhafi Junior et l’agent russe Shugali, n’ont été ni commentés ni démentis par l’Élysée, cinq jours après la diffusion du programme exclusif d’AL-Jazeera. A l’heure où nous publions cet article, la presse française est curieusement restée muette quant à cet autre épisode des scandales franco-libyens !
En tout cas, on est tenté de se poser quelques questions pour mieux comprendre.
Pourquoi cette « affaire » éclate aujourd’hui ?
Y-a-t-il un rapport avec l’éclatement de l’affaire dénommée « Qatargate » justement par des médias français proches de l’Élysée à la veille de la dernière coupe du monde au Qatar ?
La Russie serait-elle en train de régler ses comptes avec les occidentaux en marge de sa guerre en Ukraine ? L’intermédiation de l’Algérie dans cette affaire serait-elle la cause du penchement de Macron du côté d’Alger depuis qu’il est à l’Élysée ?