Le droit d’ester en justice entre logique de protection et logique de partenariat

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 Dr. Abdellah Chanfar

 

 

 

Qui détient le pouvoir de défendre les deniers publics?
Dans un contexte démocratique fragile où les rôles de l’État et de la société civile s’entrelacent, une question cruciale s’impose :
Les associations, en tant qu’entités non lucratives, sont-elles habilitées juridiquement, fonctionnellement et historiquement à agir en justice au nom de l’intérêt général ?
Ou bien cette orientation représente-t-elle une dérive dangereuse perturbant l’équilibre institutionnel et compromettant l’indépendance du pouvoir judiciaire ?
* Définition de l’association: de la volonté contractuelle à la finalité sociale
Selon le législateur marocain, une association est «un accord entre deux ou plusieurs personnes pour coopérer durablement en mettant en commun leurs connaissances ou activités, dans un but autre que le partage des bénéfices.»
Cette définition renferme trois dimensions fondamentales:
1. La volonté contractuelle, soumise aux règles du droit civil et de la théorie du contrat ;
2. La finalité non lucrative, qui distingue l’association de l’entreprise ;
3. La visée sociale, orientée vers le bien commun éducatif, culturel, caritatif ou développemental.
* Le glissement vers le contentieux : une confusion des fonctions:
Lorsque les associations dépassent le cadre du plaidoyer pour s’aventurer dans le champ contentieux, une série d’interrogations profondes émergent :
Le contentieux est-il réellement inscrit dans la vocation associative ?
Ou représente-t-il une appropriation illégitime des fonctions juridictionnelles attribuées constitutionnellement à des institutions spécialisées ?
Dans l’État moderne, la gestion des fonds publics est soumise à des mécanismes institutionnels rigoureux (cours des comptes, inspections, tribunaux).
Ouvrir sans restriction l’accès au contentieux au nom de la « vigilance citoyenne » peut engendrer une anarchie accusatoire menaçant la sécurité juridique et l’efficacité judiciaire.
– Trois dérives majeures sont identifiables :
1. La duplication de la représentation de l’intérêt général, source de confusion institutionnelle ;
2. L’instrumentalisation judiciaire à des fins symboliques ou médiatiques, fragilisant la crédibilité des procès ;
3. L’inflation de plaintes faibles ou mal fondées, saturant les juridictions et affaiblissant la fonction judiciaire.
* Vers une rationalisation des rôles :
1. Encadrer le droit de signalement sans le transformer en droit d’action directe ;
2. Créer un registre national des associations habilitées à intervenir dans les affaires d’intérêt général, sur la base de critères rigoureux de compétence et de neutralité ;
3. Mettre en place des mécanismes d’orientation structurée via le ministère public ou les organes de contrôle ;
4. Promouvoir une culture de participation civique constructive, en lieu et place d’un activisme contentieux désinstitutionnalisé.
Conclusion : L’État de droit repose sur la spécialisation fonctionnelle et l’équilibre institutionnel:
La transparence est un objectif noble, mais elle ne saurait justifier une dérive vers une justice tribunitienne où toute association se rêve substitut du parquet.
Protéger les deniers publics est une mission collective, mais elle suppose des voies formelles, une rigueur juridique, et un profond respect des institutions.

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