Le scénario de la provocation incendiaire: Une lecture stratégique de la marginalisation des communautés musulmanes en Occident..
Dr. Abdellah Chanfar
Les provocations ciblant les communautés musulmanes en Occident ne surgissent pas du néant. Elles relèvent souvent de scénarios bien construits, pensés dans l’ombre, et mis en œuvre par des acteurs multiples aux intérêts croisés. L’un des exemples les plus éloquents est la répétition inquiétante des actes de profanation du Coran dans plusieurs pays européens (Suède, Danemark, Norvège…). Ces actes ne peuvent être réduits à des gestes isolés de déséquilibrés ; ils s’inscrivent dans une stratégie complexe, pensée et exécutée selon une logique précise.
Nous assistons, à chaque fois, à la répétition d’un même théâtre, avec des rôles fixes, des réactions attendues, les mêmes victimes… et toujours les mêmes gagnants.
– Un scénario répétitif : la mécanique d’un piège médiatico-politique:
Ce scénario structuré repose sur quatre figures principales, qui apparaissent systématiquement:
1. Le provocateur en première ligne Un individu marginalisé, souvent animé par la haine, est mis en scène pour commettre l’acte devant les caméras – un déclencheur symbolique destiné à choquer et enflammer les esprits.
2. La réaction émotionnelle et désordonnée; Une partie des musulmans réagit dans la colère, parfois dans la violence, sans percevoir la logique globale ni les intentions manipulatrices derrière la provocation.
3. Les agitateurs enthousiastes; Certains intervenants médiatiques, autoproclamés défenseurs de la foi, prennent la parole pour crier, invectiver, dénoncer… sans jamais proposer de lecture stratégique ni de voie alternative.
4. Les stratèges silencieux; Ceux-là ne parlent pas. Ils comptabilisent les réactions, les instrumentalisent, alimentent le discours de haine, et justifient des politiques d’exclusion. Leur message est clair : « La coexistence avec les musulmans est impossible. »
– La crise interne : absence de discours stratégique:
Plus grave encore : une partie des figures religieuses et médiatiques, censées porter la parole des musulmans, tombent elles aussi dans le piège. Par leurs réponses impulsives, elles participent involontairement à entretenir le cycle de la marginalisation.
Plutôt que de transformer ces attaques en opportunités de repositionnement ou de réflexion, elles s’installent dans une posture victimaire permanente. Elles préfèrent la posture spectaculaire de la réaction à la rigueur de la pensée stratégique. La colère devient leur capital symbolique ; la crise, leur scène.
Ce comportement profite essentiellement aux adversaires des musulmans, qui n’ont qu’à réactiver le même scénario pour obtenir les mêmes effets.
– Sortir du piège : vers une dynamique proactive:
La répétition du même scénario devrait inciter à en briser le cercle. Le véritable enjeu est d’opérer un déplacement stratégique : ne plus subir, mais anticiper. Ne plus réagir, mais agir. Voici quelques pistes concrètes à envisager dans les milieux musulmans, notamment en Europe :
1. Construire une conscience stratégique collective:
Il faut un éveil fondé non sur l’émotion, mais sur l’analyse. Comprendre les logiques politiques, les objectifs psychologiques, et les mécaniques médiatiques de la provocation est essentiel.
2. Développer des discours alternatifs:
L’heure est venue de faire émerger de nouvelles voix : calmes mais fermes, dignes sans être agressives, capables de porter la parole musulmane avec intelligence et clarté.
3. Créer un observatoire indépendant contre les discours de haine:
Une structure civile, non gouvernementale, pourrait documenter, analyser et déconstruire les mécanismes des provocations, tout en produisant des contre-récits fondés sur des faits.
4. Tisser des alliances civiles intelligentes:
Les musulmans ne sont pas seuls dans le combat pour la dignité humaine. D’autres forces civiles, antiracistes et humanistes, peuvent être des alliés de circonstance, à condition de maintenir clarté et intégrité dans les positions.
* Conclusion: quitter la posture de victime éternelle:
Il est temps de sortir du rôle de la victime récurrente. La coexistence ne s’arrache ni par la violence ni par les cris. Elle se construit par la raison, se consolide par l’initiative, et se gagne par la cohésion interne et la lucidité profonde.
Le plus grand danger de cette mise en scène n’est pas qu’elle se répète,
mais que nous continuions à échouer à en lire les règles.
L’histoire ne se répète pas ici comme une farce,
mais comme une manipulation continue.