La visite de Massad Boulos au Maroc et en Algérie : lecture de ses objectifs et de ses messages cachés.
Par Abdellah Mechnoune.
Dans une démarche remarquable, Massad Boulos, conseiller du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient et l’Afrique, a annoncé une visite prochaine au Maroc et en Algérie. Ses déclarations, empreintes d’un ton conciliant, appellent à “rapprocher les points de vue et réparer les relations entre les deux pays”. Cependant, cette initiative, qui s’inscrit dans une diplomatie douce, soulève de profondes interrogations sur ses véritables motivations, son timing et la main qui l’oriente réellement.
Un contexte tendu et un timing précis :
La visite intervient dans un contexte régional complexe, marqué par la détérioration des relations maroco-algériennes jusqu’à la rupture, et par la persistance du blocage et de l’opacité dans le processus onusien relatif à la question du Sahara, en particulier face aux interrogations croissantes concernant la méthodologie de l’envoyé spécial de l’ONU, Staffan de Mistura, et l’étendue de son influence. Parallèlement, la deuxième administration Trump se prépare à redéfinir ses priorités en Afrique du Nord, en cherchant à équilibrer intérêts sécuritaires, économiques et géopolitiques.
Massad Boulos : un médiateur non neutre ?
Issu d’une famille libanaise, Massad Boulos est une figure influente du cercle de Trump, entretenant des relations solides avec les groupes de pression chrétiens arabes et les lobbys moyen-orientaux à Washington. Dans les milieux algériens, il est présenté comme quelqu’un de “compréhensif à leur cause”, voire comme un canal de pression alternatif au sein de la Maison Blanche républicaine, ce qui soulève des interrogations quant à son impartialité et à la nature de son agenda politique.
Approche diplomatique parallèle ou nouvelle ingénierie politique ?
La visite ne revêt pas de caractère officiel strict, mais émane d’une personnalité de poids au sein de l’administration américaine, à un moment de grande sensibilité. De ce point de vue, elle peut être interprétée comme :
une initiative de sondage de terrain avant l’élaboration d’une initiative officielle américaine,
ou une tentative de refondation des relations maroco-algériennes selon une vision américaine nouvelle, basée sur l’intégration économique, le développement transfrontalier et un engagement pragmatique dans des compromis politiques réalistes.
Les enjeux de Washington en Afrique du Nord :
La visite reflète une approche américaine multidimensionnelle reposant sur trois axes principaux : • Maintenir les acquis de la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, tout en offrant une voie de retour politique à l’Algérie sans pression directe.
* Limiter l’expansion de l’influence russe et chinoise, notamment en Algérie et dans les pays du Sahel, par un containment diplomatique habile.
* Préparer le terrain à de nouvelles alliances régionales, fondées sur le développement, l’énergie et la sécurité frontalière, en lieu et place des conflits de souveraineté chroniques.
Mais que cache réellement l’administration Trump ?
Le discours sur le “rapprochement des points de vue” dissimule en réalité des messages indirects : Washington ne souhaite pas une escalade supplémentaire dans la région, mais elle n’entend pas non plus revenir sur ses choix stratégiques passés. Deux hypothèses principales se dessinent :
soit Boulos porte une initiative de règlement en douceur pour ramener l’Algérie à la table des négociations,
soit il incarne une approche de pression politique indirecte visant à tester les équilibres d’influence et les configurations possibles de rapprochement sur une base réaliste nouvelle.
Première conclusion :
Bien qu’elle semble à première vue être une initiative personnelle, cette visite s’inscrit dans une stratégie américaine plus large visant à repositionner son influence dans la région et à éviter que les tensions maroco-algériennes ne dégénèrent en un point de non-retour. Entre diplomatie symbolique et calculs géopolitiques, il semble que Massad Boulos porte bien plus que ce qu’il déclare, préparant peut-être une nouvelle phase dans la manière dont les États-Unis comptent aborder le plus ancien conflit du nord de l’Afrique.