Lecture sur le meurtre du jeune Marocain Soufiane Chafiy : entre sécurité et justice
Abdellah Mechnoune
En mars 2016, la ville de Vigevano, dans la province de Pavie, dans le nord de l’Italie, a été le théâtre d’un tragique incident qui a coûté la vie au jeune Marocain Soufiane Chafiy, âgé de vingt ans, lors d’une course-poursuite avec la police italienne.
Le rapport de médecine légale a indiqué que la balle ayant causé sa mort l’avait touché dans le dos et était sortie par la poitrine, et qu’aucune arme à feu n’avait été trouvée dans le véhicule qu’il conduisait.
Bien qu’une enquête préliminaire ait été ouverte pour « excès de légitime défense », l’affaire a été classée à la fin de la même année sans aucune inculpation officielle, dans une décision qui avait suscité un débat limité à l’époque, mais qui refait surface aujourd’hui après la demande de la famille de rouvrir le dossier à la lumière de ce que certains ont décrit comme des « zones d’ombre judiciaires » entourant certains cas au parquet de Pavie.
Selon les médias italiens, dont La Provincia Pavese et La Repubblica Milano, la poursuite a commencé lorsqu’une patrouille a remarqué une BMW circulant plusieurs fois à grande vitesse dans une rue de Vigevano.
Lorsque la police a tenté de l’arrêter, la voiture a démarré, déclenchant une courte poursuite qui s’est terminée dans la zone d’Abbiategrasso.
Au moment de l’arrêt, un agent de police a tiré, blessant mortellement Soufiane Chafiy.
L’enquête judiciaire a conclu que l’agent avait tiré dans le cadre d’une « réaction excessive dans l’exercice de ses fonctions », considérant l’acte comme non intentionnel, et le dossier a été classé sous « erreur en légitime défense ».
Cependant, l’avocat de la famille Chafiy a affirmé que pointer une arme vers une personne en fuite et non armée ne peut être justifié légalement, demandant un réexamen des preuves techniques, en particulier le trajet de la balle et la position de l’agent au moment du tir.
En tant que journaliste et écrivain résidant en Italie, je suis de près les questions liées à l’immigration, aux droits des étrangers et aux relations entre les communautés et les institutions italiennes.
Je crois que la véritable responsabilité du journalisme ne consiste pas à inciter ou à créer de la tension, mais à présenter les faits de manière objective, en promouvant un équilibre entre sécurité et justice, et le respect mutuel entre le citoyen et l’institution.
L’objectif de traiter ce dossier n’est pas d’enflammer l’opinion publique ou de remettre en cause les forces de l’État, mais de contribuer à un débat national calme et responsable sur la manière de développer les mécanismes de travail des institutions de sécurité et judiciaires, en renforçant la confiance et en protégeant tous les citoyens sans discrimination.
Le journalisme est, dans son essence, un pont entre la société et ses institutions, et non une épée dirigée contre quelqu’un.
Cet article s’inscrit dans ce cadre professionnel, en défense des valeurs démocratiques auxquelles nous croyons tous : le droit à la sécurité, le droit à la justice et le droit à une vie digne.
Toute autorité de sécurité a le devoir de maintenir l’ordre public et de protéger les citoyens des dangers.
Il est indéniable que les forces de l’ordre italiennes font face quotidiennement à des défis complexes lorsqu’elles gèrent des poursuites, des suspects, des criminels, des voleurs et des trafiquants de drogue, mettant leur vie en danger pour assurer la sécurité et protéger les citoyens.
Cependant, l’expérience de terrain montre que le recours aux armes à feu doit rester le dernier recours, et non le premier, surtout lorsqu’il n’existe pas de danger immédiat pour la vie des agents.
Des incidents comme celui-ci, même isolés, affectent négativement la confiance mutuelle entre la police et la communauté, en particulier dans les quartiers à forte présence de migrants.
Ainsi, renforcer la formation à la gestion des situations dangereuses sans recourir à la force létale et réviser les protocoles relatifs aux poursuites sont des mesures nécessaires pour maintenir l’équilibre entre exigences de sécurité et droit à la vie.
Le système judiciaire italien est considéré comme l’un des plus respectés d’Europe en termes d’indépendance et de professionnalisme, mais certains dossiers nécessitent une transparence accrue pour renforcer la confiance publique.
La réouverture du dossier de Soufiane Chafiy — si elle est décidée — ne constituera pas une condamnation de l’institution, mais une affirmation de l’engagement de la justice italienne envers son principe fondamental : chaque vie mérite équité.
Les sociétés avancées ne se mesurent pas seulement à leur capacité à appliquer la loi, mais aussi à leur capacité à corriger les erreurs lorsqu’elles surviennent, quelles que soient les circonstances ou les positions.
Aujourd’hui, l’Italie accueille plus de cinq millions de résidents étrangers, dont la communauté marocaine, l’une des plus importantes du pays.
Ces derniers représentent un pilier économique et social essentiel dans divers secteurs : agriculture, industrie, services et assistance familiale.
Cependant, certains incidents individuels rappellent que l’intégration réelle ne peut être complète sans garantir la protection légale et sociale de tous ceux qui résident légalement.
D’où la question fondamentale :
Qui protège les étrangers légalement résidents en Italie lorsqu’ils sont victimes et non accusés ?
La protection signifie appliquer la loi équitablement pour tous, sans discrimination.
La confiance mutuelle entre migrants et institutions ne se construit que par des messages clairs indiquant que la sécurité et la justice concernent tous les résidents, sans exception ni biais.
Message à la diplomatie marocaine : le citoyen est la responsabilité de l’État où qu’il se trouve
Soufiane Chafiy, en tant que citoyen marocain, aurait dû bénéficier d’un suivi officiel attentif après l’incident.
L’ambassade et le consulat du Maroc en Italie sont attendus pour soutenir légalement et moralement sa famille, et accompagner les procédures de réouverture de l’enquête le cas échéant.
La coopération judiciaire entre le Maroc et l’Italie est solide et réciproque, et de telles démarches démontrent l’engagement de Rabat à protéger ses citoyens à l’étranger, renforçant l’image de la diplomatie marocaine comme acteur actif dans la défense des droits, notamment en matière de dignité humaine et de droit à la vie.
Défendre la victime ne signifie pas attaquer la police, de même que demander une enquête ne signifie pas douter de la justice.
Au contraire, la responsabilité est une forme de respect des institutions, car un État fort est celui qui se remet en question lorsqu’on lui pose des questions difficiles.
L’affaire Soufiane Chafiy peut être une occasion de rouvrir le débat sur la manière de traiter les migrants, d’améliorer les méthodes de travail des forces de l’ordre et de renforcer la transparence judiciaire, garantissant sécurité et dignité simultanément.
Les incidents isolés ne résument pas le travail des institutions, mais les ignorer affaiblit la confiance des citoyens.
L’Italie, avec son riche héritage démocratique, est capable de prouver à nouveau que la justice ne disparaît pas avec le temps.
On espère que la réouverture du dossier Soufiane Chafiy sera un pas vers la justice pour les victimes et la protection des innocents, sans affaiblir la sécurité ni nuire à l’autorité de l’État.
La sécurité et la justice ne sont pas deux chemins parallèles ;
ils forment un seul chemin, où l’un ne peut s’accomplir sans l’autre.






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