Dr BENOMARI
L’Assemblée française se retrouve sans majorité, divisée en trois blocs de taille comparable, entre le Nouveau Front populaire (182), la coalition présidentielle (168) et l’extrême droite (143). Les Républicains (LR), résistent avec 45 élus.
Une situation inédite sous la Vᵉ République.
Ainsi, le résultat des élections législatives, dimanche 7 juillet, a précipité la chute du macronisme majoritaire et l’avènement d’un pouvoir parlementaire prêt à s’émanciper de la tutelle de l’exécutif. Le paysage politique poursuit sa recomposition alors que la percée sans précédent du Rassemblement national (RN) et de ses alliés au premier tour des élections législatives anticipées a finalement été enrayée par la mécanique du front républicain.
Inédite sous la Ve République, cette configuration parlementaire est pourtant la norme dans de nombreuses démocraties parlementaires européennes, à l’instar de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie ou de la Belgique.
Désormais, le centre de gravité du pouvoir sera plus que jamais, entre les mains du Parlement.
La coalition présidentielle ressort laminée d’une dissolution de l’Assemblée nationale qu’elle n’a pas digérée. Le parti présidentiel Renaissance revient au Palais-Bourbon avec 102 de ses élus, le MoDem avec 33 élus et Horizons avec 25 élus.
QUI VA GOVERNER ?
Les scénarios possibles pour un gouvernement après le second tour des législatives :
Coalition, gouvernement minoritaire ou gouvernement technique ?
Faute de majorité claire sur les bancs du Palais-Bourbon, le risque de blocage institutionnel est réel.
Qui va gouverner la France ?
C’est la question brûlante qui se pose à l’issue du second tour surprise des élections législatives, où le bloc de gauche est arrivé en tête, mais loin de la majorité absolue qui lui permettrait de revendiquer le pouvoir sans contestation possible.
Quelles sont les prochaines étapes attendues dans la foulée du scrutin ?
Le pays peut-il se diriger vers un blocage institutionnel ?
1. Quand un nouveau gouvernement doit-il être nommé ?
Le chef de l’Etat, qui a refusé la démission de son premier ministre, Gabriel Attal, a fait savoir qu’il préférait « attendre la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires ».
En revanche, il ne peut pas ignorer complètement la nouvelle donne politique issue du scrutin.
2-La composition de l’Assemblée nationale
• Nouveau Front Populaire : 182 sièges
• Divers gauches ensemble et dissidents : 13 sièges
• Ensemble (Renaissance, MoDem, Horizons, etc.) : 168 sièges
• Les Républicains (LR), Divers droite et UDI : 68 sièges
• Rassemblement National et alliés (dont LR Ciotti) : 143 sièges
• Divers écologistes, régionalistes … : 10 sièges
3- Comment le premier ministre est-il choisi ?
Théoriquement, le président de la République a le pouvoir de nommer qui il veut à Matignon. Toutefois, la logique institutionnelle ne lui permet pas d’outrepasser l’avis de la majorité des députés, puisqu’un gouvernement qui irait à leur encontre pourrait faire l’objet d’une motion de censure. Il est donc censé choisir un candidat susceptible d’obtenir le soutien d’une majorité de députés – ou au moins de ne pas susciter le rejet d’une majorité d’entre eux.
Si un camp politique réunit une majorité absolue de députés à l’issue des législatives (soit au moins 289 sur les 577 de l’hémicycle), la donne est simple : la nomination d’un premier ministre issu de ses rangs s’impose en principe.
Or, à l’issue de ce scrutin, aucun groupe politique ne peut aujourd’hui se prévaloir d’une telle domination. Le premier groupe, le Nouveau Front populaire (NFP), ne dispose que de 182 élus, auxquels pourraient s’ajouter quelque treize élus divers gauche, soit une majorité relative d’à peine un tiers des sièges du Palais-Bourbon.
4- Réaction internationale :
Au niveau internationale, le président brésilien Lula a salué une victoire « contre l’extrémisme » et la « maturité des forces politiques » en Europe. Pour lui, la victoire des travaillistes au Royaume-Uni et la victoire du Nouveau Front Populaire en France, la gauche a freiné l’extrême droite aux élections législatives européennes.
Il a déclaré :
“Très heureux de la démonstration de grandeur et de maturité des forces politiques de France qui se sont unies contre l’extrémisme”,
5- Quels sont les scénarios possibles ?
Faute de majorité claire sur les bancs du Palais-Bourbon, le risque de blocage institutionnel est réel. Les institutions n’imposent aucun calendrier pour former un gouvernement, mais aucun texte législatif ni réglementaire ne peut être adopté en son absence.
Les tractations des prochains jours pourraient, ou pas, faire émerger l’une de ces hypothèses :
• Une coalition :
Comme aucun des grands blocs politiques issus des législatives n’a de majorité, des discussions pourraient s’engager pour former une coalition susceptible de rassembler plus de 50 % de députés derrière un nom de premier ministre. C’est ce qui se passe dans les démocraties parlementaires, comme l’Allemagne ou l’Italie.
Toutefois, les principaux représentants de la gauche ont déjà écarté toute perspective d’alliance avec le camp macroniste , refusant toute « alliance des contraires » ou tout « arrangement ».
• Un gouvernement minoritaire :
Un gouvernement peut également être nommé et se maintenir sans avoir le soutien explicite d’une majorité absolue à l’Assemblée. C’était le cas des gouvernements marconistes d’Elisabeth Borne et de Gabriel Attal qui, entre 2022 et 2024, ne disposaient que d’une majorité relative de 246 sièges sur 577 (43 %) à l’Assemblée.
• Un gouvernement technique :
Si la situation est bloquée, la nomination d’un gouvernement « technique » pourrait s’imposer comme une porte de sortie. Il s’agit de nommer des ministres sans affiliation partisane pour gérer les affaires courantes et mettre en œuvre certaines réformes consensuelles, avec l’appui au cas par cas des différents blocs à l’Assemblée.
Une configuration que l’Italie a déjà connue à plusieurs reprises dans des moments de crise, mais qui n’a jamais été très durable. Difficile en effet pour un tel exécutif de se maintenir dans la durée faute de légitimité des urnes.