La diplomatie culturelle : Une nécessité pour la préservation de la paix et la sécurité internationale

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Najim RAMLI
Doctorant à la F.S.J.E.S (Université Hassan II, Casablanca Maroc)

 

 

De nos jours, la préservation de la paix et la sécurité internationale est un enjeu crucial. En effet, les conflits armés, les tensions régionales et le terrorisme, sont autant de défis qui menacent la stabilité et la sécurité du monde. Ainsi, la paix est devenue une nécessité primordiale pour assurer le développement et promouvoir la coopération entre les nations. Dans la perspective de réaliser cet objectif, la société internationale a parcouru beaucoup de chemins et mis en œuvre plusieurs pratiques pour la consolidation de la coexistence pacifique des nations, en mettant en avant la diplomatie et le dialogue, notamment la diplomatie culturelle qui
aspire à jouer un rôle capital dans la construction d’un monde pacifique et stable.
Qu’est-ce qu’on entend donc par la diplomatie culturelle ? Comment peut-elle aider à préserver la paix et la sécurité internationale ? Quels défis doit-elle relever pour réussir sa mission ?

I- Aspects et caractéristiques de la diplomatie culturelle :

1- Définition et historique de la diplomatie culturelle :
La diplomatie culturelle peut être définie comme l’instrumentalisation de la culture pour promouvoir la compréhension mutuelle et la coopération entre les nations. Elle implique la promotion des échanges culturels, éducatifs, scientifiques et artistiques pour créer un rapprochement entre les peuples et les cultures. Son histoire remonte à l’Antiquité, où les échanges culturels et commerciaux étaient utilisés pour établir des relations pacifiques entre les peuples.
L’un des premiers exemples de la diplomatie culturelle moderne remonte à la fin du XIXème siècle, lorsque les États-Unis ont commencé à envoyer des orchestres et des groupes de musique en tournée à l’étranger pour promouvoir leur culture et leur mode de vie. Cependant, c’est au XXème siècle que la diplomatie culturelle a pris une importance croissante en tant qu’outil de politique étrangère pour promouvoir la paix et la compréhension internationales. Après la Première Guerre mondiale, la Société des Nations (SDN) a été créée pour garantir la coopération internationale et la paix. La diplomatie culturelle a été considérée comme un moyen important pour réaliser cet objectif, avec la création de l’Institut International de Coopération Intellectuelle en 1925 qui encourageait les échanges intellectuels et culturels entre les pays membres.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la diplomatie culturelle a connu une expansion importante avec la création de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) en 1945 qui avait pour objectif de promouvoir la paix par la coopération intellectuelle, scientifique et culturelle entre les nations. Et pendant la guerre froide, les deux superpuissances, les États-Unis et l’Union Soviétique, ont instrumentalisé la diplomatie culturelle pour faire triompher leur système politique et leur mode de vie, dans le cadre de la guerre des idées.
 Depuis lors, la diplomatie culturelle est devenue un élément important des relations internationales, notamment à travers des événements tels que les expositions d’art, les festivals de cinéma, les échanges universitaires et les programmes d’études à l’étranger.

2 –Les principaux acteurs de la diplomatie culturelle
La diplomatie culturelle est un domaine d’activité qui implique différents acteurs, notamment les États, les organisations internationales et la société civile.
Les États : Ils peuvent utiliser leurs gigantesques ressources pour promouvoir leur culture, leur langue et leur mode de vie à l’étranger, via l’organisation des événements culturels et artistiques, l’octroi des bourses d’études pour les étudiants étrangers et les accords culturels bilatéraux et multilatéraux afin d’encourager les échanges culturels.

Les organisations internationales : Elles sont aussi des acteurs clés de la diplomatie culturelle, elles œuvrent pour la promotion de la culture, l’éducation et la coopération internationale, en organisant des activités culturelles, des conférences et des programmes de coopération pour promouvoir les échanges culturels entre les nations.
La société civile : Elle comprend les organisations non gouvernementales, les associations culturelles et les artistes, sa mission est d’organiser des événements et des activités culturelles dans le but de promouvoir leur culture à l’étranger.

De là, la diplomatie culturelle implique la synergie et la collaboration solide et multilatérale entre les trois acteurs précités pour véhiculer le dialogue entre les cultures et renforcer la coopération internationale.

3-Les différents aspects de la diplomatie culturelle:

La diplomatie culturelle peut prendre de nombreuses formes et aspects et elle peut être mise en œuvre à différents niveaux par:
1- Les programmes d’échanges culturels : Ils permettent aux artistes, aux étudiants, aux scientifiques et aux professionnels de différents pays de se rencontrer et d’échanger des idées, des perspectives et des expériences. Par exemple, le programme Fulbright, mis en place par le gouvernement américain, offre des bourses d’études et de recherche aux étudiants et aux chercheurs de différents pays pour étudier aux États-Unis et aux Américains pour étudier à l’étranger.
2- Les initiatives de médiation culturelle : Elles visent à favoriser la compréhension entre les différentes cultures en facilitant les échanges et les rencontres entre les personnes de différents horizons. C’est le cas du projet “Culture for Peace” de l’UNESCO qui utilise les arts et la culture pour instaurer la paix et la compréhension entre les cultures, notamment dans des zones de conflit pour favoriser le dialogue et la réconciliation entre les communautés.
3- Festivals culturels internationaux : Ce sont des événements qui rassemblent des artistes et des représentants de différentes cultures pour célébrer la diversité culturelle, comme le Festival international de cinéma de Cannes.
4- Projets de préservation du patrimoine culturel : Ce sont des initiatives qui visent à protéger les sites historiques, les monuments et les traditions culturelles pour les générations futures, par exemple, le projet de restauration et de protection de la Cité interdite en Chine.

II- L’Occident, berceau de la diplomatie culturelle:
En réalité, ce sont les sociétés occidentales qui ont inventé le concept de diplomatie culturelle sous sa forme actuelle. Une forme qui respire l’esprit, les valeurs et la vision de ces sociétés et représente un aspect important de l’influence et de la position occidentales dans le monde du XXe siècle. Dans ce cadre, nous distinguons deux écoles référentielles différentes :

1- La diplomatie culturelle française :
Elle est la plus ancienne et la plus forte d’Europe. La France reste en effet le leader mondial dans la pratique de la diplomatie culturelle, et dans l’investissement et la conduite des activités culturelles internationales. Ces diverses traditions de diplomatie culturelle impliquent des activités telles que : les échanges culturels, l’investissement dans les infrastructures, les sciences sociales, les activités de recherche et d’enseignement et les projets archéologiques internationaux, mais leur véritable objectif est la langue française et la haute culture.

Cependant, la France n’a pas beaucoup réformé son modèle de diplomatie culturelle depuis son apogée au XIXe siècle. Il reste un modèle très centralisé et strictement financé par l’État. Le soutien pertinent à la diplomatie culturelle française vient du gouvernement, avec plus de 90% des financements provenant du Ministère des Affaires étrangères, un réseau mondial vaste qui comprend : 154 services d’activités culturelles dans les ambassades, 436 instituts culturels et centres de langue, Radio France Internationale (RFI) et de nombreuses initiatives plus petites et localisées. Et ce pour renforcer les relations avec les partenaires du monde entier.
2- La diplomatie culturelle américaine :
Elle est aujourd’hui représentée par les efforts des différents départements gouvernementaux et agences financées par le gouvernement américain, considérablement contrebalancés par l’influence sans cesse de nombreuses sociétés et organisations non gouvernementales américaines, et par les nombreux messages culturels qu’ils transmettent au monde. Il est évident que les stratégies et les actions du secteur privé américain, fonctionnant au-delà de la sphère des politiques gouvernementales, dans divers domaines, comme le cinéma, la musique ou l’industrie de l’enregistrement et de la radiodiffusion, sont des transmetteurs majeurs des images, des symboles américains et des idées à l’étranger, et ont un impact significatif sur les attitudes internationales envers le pays.
En outre, ces produits culturels, ainsi que leur commercialisation et leur image de marque, sont intégrés dans toutes les stratégies de la politique étrangère américaine. Par ailleurs, la grande compétitivité de ces produits et marques, par des entreprises mondiales et des médias américains, sont perçues comme un aspect important du leadership américain dans le monde. Cette tradition réputée de propagation de la culture et des idéaux américains dans le monde trouve ses racines dans la politique culturelle américaine de la période de la guerre froide durant laquelle les Etats-Unis investissaient énormément dans le développement de stratégies originales de diplomatie culturelle, largement exploitées et soutenues par une grande bureaucratie à Washington et par un vaste réseau dans d’institutions et d’ initiatives comme les centres (American House), les American Corners, et les bibliothèques qui exposaient et partageaient les valeurs américaines à l’étranger, et en particulier dans les pays partenaires.

III- Les défis de la diplomatie culturelle :
La diplomatie culturelle se heurte à de nombreuses limites et défis relatifs à la diversité culturelle, aux tensions politiques et économiques, aux médias et technologie, ainsi qu’à sa perception par le public :
Ainsi, une des principales limites de la diplomatie culturelle est la diversité culturelle elle-même. Car chaque société a sa propre culture, ses propres normes et valeurs, et ce qui est considéré comme artistique ou significatif dans une culture peut ne pas l’apparaître dans une autre culture. Par conséquent, la propagation d’une culture différente à l’étranger devient difficile.
La diplomatie culturelle peut également être entravée par des contraintes politiques et économiques. Les relations politiques tendues entre les pays peuvent limiter les opportunités de coopération dans le secteur culturel et conduire à des restrictions sur les échanges culturels, comme les visas pour les artistes ou les spectacles culturels. (Exemple de la France envers les Marocains, lors de la crise diplomatique entre les deux pays). Les contraintes financières peuvent aussi freiner les ressources disponibles pour promouvoir la culture à l’étranger.
D’un autre côté, même si le développement de la technologie a facilité la diffusion de la culture au-delà des frontières, il a également créé de nouveaux défis. Aujourd’hui, l’Internet et les médias sociaux permettent aux gens d’accéder à de grandes quantités de contenus culturels qui peuvent nuire à l’impact des initiatives officielles de diplomatie culturelle. Les médias peuvent aussi influencer, parfois négativement, la perception des cultures étrangères, ce qui rend malaisée la promotion d’une image positive à l’étranger.
Enfin, un autre défi majeur est la perception de la diplomatie culturelle par le public national et international. Certains considèrent, en effet, les efforts visant à promouvoir la culture à l’étranger comme une forme de soft power visant à influencer les opinions et le comportement des expatriés. Une telle compréhension peut susciter des critiques et de la résistance, en particulier dans les pays qui considèrent ces initiatives comme une ingérence dans leurs affaires intérieures ou une tentative de supériorité culturelle.

CONCLUSION :

La diplomatie culturelle n’est plus un choix mais c’est une nécessité, puisqu’elle revêt une grande importance dans les relations internationales dans la mesure où elle contribue à la construction d’un monde plus harmonieux et équilibré, fondé sur les échanges, la coopération et la compréhension mutuelle entre les différentes cultures ainsi que sur la résolution pacifique des conflits.
Aujourd’hui, la diplomatie culturelle s’avère un atout précieux pour l’humanité : d’une part, elle renforce les liens entre les pays et encourage le dialogue interculturel ; et d’autre part elle consolide les rapports entre les différentes nations en dépassant les barrières identitaires, les préjugés et les stéréotypes, et en œuvrant en faveur de la coopération et la solidarité internationales.
« L’attitude juste ne consiste donc pas dans la négation de la diversité des cultures et de leur spécificité, mais plutôt dans la reconnaissance, l’acceptation et le respect des différences, en un mot dans la tolérance, car ce n’est pas de la diversité que nait le conflit, mais de l’intolérance et du nationalisme fermé et agressif. » écrivait Mohamed Saâd Zemmouri dans son livre L’Islam et l’Occident, dialogue nécessaire.

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