Aziz Boucetta*
« Le Maroc est un arbre dont les racines plongent en Afrique et qui respire par ses feuilles en Europe », disait le roi Hassan II dans une métaphore demeurée célèbre. Certes, mais alors que le feuillage peut par moments être élagué par une main étrangère, la respiration et la vie viennent de plus en plus par les racines. Et c’est ce que fait le Maroc, patiemment, depuis plus de 20 ans, en Afrique, objet et objectif d’une diplomatie royale active, régulière et soutenue. C’est le sujet traité par Samir Chaouki dans son livre « Mohammed VI, un roi africain, 20 ans de diplomatie marocaine en Afrique » (Orion, 2022).
L’ouvrage retrace avec méthode la genèse, le développement, les réalités et réalisations du royaume sur son continent, puis il décrit ce moment véritablement historique, sans galvaudage du terme, de l’intégration du royaume au sein de l’Union africaine, et enfin il finit avec une ouverture sur un avenir plein de promesses et empli de perspectives du Maroc en Afrique.
On le savait, mais le livre le décrit avec précision. Si Hassan II avait une relation hachurée avec les autres chefs d’Etat Africains, faite parfois de mélodrames mais aussi, et souvent, de belles histoires, les liens noués par Mohammed VI avec ses pairs africains sont autrement plus réfléchis, rationnels, visionnaires. Il faut dire que l’Afrique des 30 dernières années n’est pas celle qu’elle fut les 30 années précédentes, et Mohammed VI a su « lire » les perspectives de ce continent qui, aujourd’hui, se trouve au centre des préoccupations et compétitions internationales et au carrefour des enjeux géopolitiques planétaires.
Samir Chaouki commence donc par planter le décor et décrire ce qu’étaient les relations du Maroc avec les autres pays du continent à l’accession de Mohammed VI au pouvoir, en 1999. 8 milliards de DH d’échanges commerciaux en 2000, six fois plus 20 ans après ; des contacts exclusivement bilatéraux, avec des pays amis, et de rares visites officielles de feu Hassan II en 38 ans de règne, contre une soixantaine de voyages de toutes natures dans toutes les zones du continent, en 20 ans. En 1999, le Maroc, pourtant fondateur de l’Organisation de l’Unité africaine en 1961, n’en est plus membre depuis 1984, mais en 2017, il fait un retour triomphal au sein de l’Union africaine, plébiscité… par les trois-quarts des Etats, malgré le forcing forcené des ennemis du royaume, Algérie et surtout Afrique du Sud.
L’auteur décrit la méthode rigoureuse imaginée par Mohammed VI et mise en place sous sa supervision. On pourrait imager cela par une lente avancée du Maroc en Afrique, avec différentes couleurs, comme sur une carte d’état-major. Au fil de la lecture du livre, on découvre d’abord des actions de prospection et de définition des besoins, puis des politiques de réponse à ces besoins, ensuite l’élaboration d’une stratégie de déploiement de ces réponses et, enfin, des visites officielles, de travail, privées, pour la signature d’accords d’Etat à Etat, puis de partenariats entre entreprises. Une véritable démarche stratégique, menée au pas de charge, fondée sur, dit l’auteur, le soft power et les « chaebols » marocains décrits avec force détails et précisions, mais une démarche amicale et emplie de bienveillance et d’humilité. Le tout raconté comme une histoire, avec une somme d’informations, précises, parfois compilées dans la presse, souvent inédites.
Inédite aussi cette narration du retour du Maroc au sein de l’Union africaine, une narration de la grande politique et des coulisses des différentes actions menées par le roi Mohammed VI. Un retour préparé dans les moindres détails, ne laissant rien au hasard. Les contacts bilatéraux d’Etat à Etat le lobbying soigneusement tissé, les visites royales… puis ces folles journées des 30 et 31 janvier 2017 à Addis Abeba, avec une diplomatie marocaine en ébullition, le roi retranché dans ses appartements, veillant et surveillant, avec sa garde rapprochée (décrite aussi avec précision), les moindres détails, les ripostes systématiques et offensives aux différents et nombreux coups portés par les Algériens et Sud-Africains…
… Puis Samir Chaouki revit avec sa plume cette délivrance, ce jour où le Maroc est reçu à l’Union africaine, où le roi fait son entrée solennelle dans la salle de conférence. L’auteur y était et raconte ce qu’il y a vu, avec l’émotion bien compréhensible des Marocains.
Un livre à lire, tant la narration y est documentée, soigneusement réunie et rassemblée sur 20 ans, et servie sur près de 200 pages dans un ordre chronologique et thématique qui montre ce que fut et qu’est la stratégie africaine de Mohammed VI et ce qu’est et sera la politique marocaine en Afrique.
Fonte:panorapost.com*
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